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Comment déclarer ses transactions en cryptomonnaies aux autorités fiscales ?

Les cryptomonnaies se démocratisent de plus en plus en France. Des noms comme Bitcoin, Ethereum, et bien d’autres actifs numériques sont de moins en moins étrangers au grand public et de plus en plus d’investisseurs privés comme professionnels ont fait le choix de s’intéresser à ces nouvelles opportunités financières. 
Mais, cette ruée vers l’or 3.0 s'accompagne d'une problématique majeure. En effet, une grande partie des utilisateurs ont une méconnaissance des règles fiscales en vigueur concernant leurs actifs. Et, que l’on soit un investisseur occasionnel ou un trader régulier, connaître et respecter la fiscalité des cryptomonnaies est un impératif pour ne pas s’exposer à l’ire de Bercy.
En France, la majeure partie des transactions peut être imposable. Le "fait générateur d'imposition" étant le transfert de propriété, cela concerne entre autre, toute conversion de cryptomonnaies en devise fiat (euro, dollar, yen...) ou tout achat de bien ou de service fait en crypto (achat d’un bien immobilier, utilisation d'une carte bancaire crypto...).
Par contre, les conversions crypto/crypto restent hors cadre pour le moment.
Cet article va vous aider à faire le point sur les démarches nécessaires pour déclarer vos comptes de cryptomonnaies ainsi que les gains (ou pertes) que vous auriez constatés sur l’année écoulée et à se mettre en conformité avec l’administration fiscale. Nous aborderons des sujets comme le prélèvement forfaitaire unique (PFU) ou les formulaires spécifiques, comme le formulaire CERFA 2086 pour les plus-values ou le 3916 bis pour les comptes détenus à l’étranger. Enfin, nous décrypterons les étapes essentielles pour rester en règle.

La déclaration fiscale des cryptomonnaies : un casse-tête en France

Pour bon nombre de personnes en France, les opérations pour effectuer une déclaration fiscale sont perçues comme complexes. Si, en plus, on y ajoute la brique cryptomonnaies, cela peut rapidement devenir un vrai casse-tête. D’ailleurs, chaque année, à la période de la déclaration des revenus, nous voyons une nette augmentation des recherches sur Internet sur des sujets comme : 
  • Comment déclarer ses comptes d'investissement en cryptomonnaies ?
  • Comment déclarer les actifs numériques ?
  • Comment calculer les gains et les plus-values imposables ?
  • Comment calculer les impôts sur les cryptomonnaies ?
Beaucoup de personnes recherchent des solutions pratiques pour comprendre et simplifier cette étape de déclaration fiscale des cryptomonnaies.

Avant la déclaration, déterminer son statut d’investisseur

Point important, la toute première étape qui va orienter la démarche de déclaration est de définir le profil fiscal ou le statut d’investisseur. 
En effet, en France, la fiscalité des cryptomonnaies diffère selon que l’on soit un investisseur privé ou un investisseur professionnel.

L’investisseur privé en cryptomonnaies

Pour l’administration, un investisseur privé est un particulier qui achète et revend des actifs numériques de manière occasionnelle dans le cadre de la gestion de son patrimoine personnel. Il est soumis au régime du prélèvement forfaitaire unique (PFU) appelé également Flat Tax. 
Le taux du PFU est actuellement de 30 %. Cela inclut 12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux sur les plus-values imposables
A savoir : Pour les contribuables modestes ou si des stratégies de défiscalisation ont été mises en place, une option est ouverte et permet de ne pas appliquer la flat tax mais d’intégrer les gains dans l’ensemble des revenus soumis au barème progressif.

L’investisseur professionnel en cryptomonnaies

En revanche, dès lors que l’activité de trading en cryptomonnaies est considérée comme régulière, organisée et exercée à titre principal, nous sommes considérés aux yeux de l’administration comme un investisseur professionnel.
À la différence du statut investisseur particulier, ce statut est soumis au régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Cela implique une imposition au barème progressif de l'impôt sur le revenu, ainsi que des obligations comptables plus strictes. De plus, une telle activité est soumise au paiement des cotisations sociales  dont le taux est significativement plus élevé que celui fixé pour les prélèvements sociaux (de 25 à 35% suivant le niveau de revenus).
A savoir : Les échanges crypto-crypto ne sont alors plus neutralisés et sont donc compris dans le détermination du chiffre d'affaires soumis à  l’impôt (et aux  cotisations sociales).
Le statut d'investisseur professionnel peut par ailleurs s’appliquer si l’administration fiscale considère que les revenus tirés des cryptomonnaies relèvent d’une activité commerciale, notamment si des outils automatisés (comme par exemple l’utilisation de robots de trading), des pratiques intensives ou des outils professionnels de trading sont utilisés. 
Cette distinction est donc cruciale, car elle conditionne en même temps le taux d'imposition et les modalités de déclaration et les obligations fiscales.
Dans cet article, nous nous concentrerons principalement sur l’investisseur particulier. L'investisseur professionnel fera ultérieurement l’objet d’un article dédié au sujet.

Quelles modalités pour la déclaration fiscale des cryptomonnaies ?

Déclaration ne signifie pas toujours imposition

Une fausse idée persiste : déclarer des cryptomonnaies revient automatiquement à payer des impôts. Ce n’est pas toujours le cas. Si vous n’avez pas transféré la propriété de vos actifs numériques (conversion en euros ou toute une autre monnaie fiat, achat de biens ou de services…), vos transactions ne sont pas imposables. Cependant, même si vous vous trouvez dans ce cas particulier, vous avez tout de même l’obligation de déclarer vos comptes si ceux-ci sont à l’étranger.

Quand déclarer vos cryptomonnaies ?

Chaque année, la saison fiscale s’ouvre entre avril et juin. En 2024, voici quelles étaient les principales échéances :
  • 21 mai 2024 : date limite pour les déclarations papier
  • 23 mai 2024 : date limite pour la déclaration en ligne (zone 1 : départements 1 à 19 et résidents étrangers)
  • 30 mai 2024 : date limite pour la zone 2 (départements 20 à 54)
  • 6 juin 2024 : date limite pour la zone 3 (départements 55 à 976)
⠀Vous pouvez consulter le site du gouvernement pour connaitre le prochain calendrier fiscal.

Que doit-on déclarer ?

Les comptes à l’étranger

Vous devez avant tout déclarer tous vos comptes ouverts sur des plateformes situées à l’étranger, même si vous n’avez effectué aucune opération imposable. 
Cette obligation inclut :
  • Les comptes actifs, même fermés en cours d’année ou inutilisés. (ex. Kraken, BitPanda…)
  • Les néobanques étrangères (ex. Revolut, N26…)
N’ont pas à être déclarées :
  • Les plateformes enregistrées auprès de l’AMF
  • les plateformes décentralisées (ex. AAVE, Lido...)
  • les wallets non custodial (ex. MetaMask, Ledger...)

Les opérations imposables

Les transactions en cryptomonnaies sont imposables lorsqu’elles impliquent un transfert de propriété (conversion en euros ou toute une autre monnaie fiat, achat de biens ou de services…). En revanche, les échanges entre cryptomonnaies (comme Bitcoin vers USDT) ne le sont pas. Par exemple :
  • Opération imposable : Conversion de Bitcoin en euros
  • Opération imposable : Achat de biens ou services en Bitcoin
  • Opération non imposable : Conversion de Bitcoin en stablecoin ou toute autre crypto
L’imposition de 30% (ou flat tax) liée à ses transactions s’applique sur la plus-value latente globale du portefeuille, c’est à dire non sur ce qui a été vendu, mais sur ce qui aurait pu être vendu. Ce calcul, qui sera détaillé plus bas dans l’article, revient à déterminer la plus-value du portefeuille global au moment de l’opération et à appliquer ce taux au montant en euro de la cession.
Important : Il faut donc conserver au maximum la référence et les montant de toutes les transactions entrantes (acquisition en monnaie fiat, paiement en crypto reçu contre bien ou service..) ainsi que l’état et la valeur du portefeuille au moment de chaque cession pour être en capacité de les prouver en cas de requête de l’administration fiscale.

Quelles sont les sanctions en cas de non-déclaration ?

Ne pas déclarer vos comptes en cryptomonnaies peut entraîner des sanctions importantes, comme des amendes pouvant atteindre 1 500 € par compte non déclaré. Il en est de même pour la non déclaration d’opération imposable où des majorations fiscales allant jusqu’à 80 % en cas de fraude avec abus de droit avérée peuvent être appliquées.
Les conséquences d’une omission ou d’une erreur peuvent donc être lourdes :
  • Comptes non déclarés : amende de 750 € par compte, jusqu’à 1 500 € pour des comptes avec des montants supérieurs à 50 000 €
  • Erreurs sur les opérations imposables :
    • 10 % pour insuffisance ou défaut de déclaration si régularisé dans les 30 jours faisant suite à la mise en demeure de l’administration
    • 40 % en cas de manquement délibéré ou de défaut de régularisation dans les 30 jours faisant suite à la mise en demeure de l’administration

Comment déclarer ses cryptomonnaies ?

Déclarer les comptes à l’étranger

Le formulaire 3916 bis doit être complété pour chaque compte. Ce formulaire demande des informations telles que le nom de la plateforme, l’adresse, la date d’ouverture/fermeture et les caractéristiques du compte (sans aucune mention de solde).

Déclarer les opérations imposables

Pour toutes les transactions imposables, il convient de remplir le formulaire 2086, qui nécessite des calculs précis pour chaque opération, comme nous le verrons plus loin. Cette étape peut devenir un véritable casse-tête, surtout si vous avez effectué de nombreuses transactions.
Bon à savoir : l’échange de cryptomonnaies contre des stablecoins (comme USDT ou USDC) n’est pas imposable comme vu précédemment. Cela permet aux investisseurs de sécuriser leurs actifs (ou de réinvestir leurs gains ultérieurement dans d’autres crypto-actifs) sans subir d’imposition immédiate.

Comment calculer la plus/moins-value de vos cryptomonnaies ?

Voici les grandes étapes pour calculer une plus-value ou une moins-value sur une transaction en cryptomonnaies :
Dans notre exemple, nous nous intéresserons seulement à la vente d’un actif numérique contre une monnaie fiduciaire (euros), mais le calcul est le même pour l’achat d’un bien ou d’un service.
La méthode à appliquer pour chaque opération imposable est le calcul au prorata global sur l’ensemble du portefeuille d’actifs numériques.
La plus-value ou la moins-value d’une transaction est calculée ainsi :
Montant de la vente - ( Montant total d’acquisition net x ( Montant  de la vente / Valeur totale du portefeuille ) )
  • Montant de la vente : représente la valeur en euros des cryptos vendues au moment de la cession
  • Montant total d’acquisition net : représente la valeur totale en euro d’acquisition du portefeuille au moment de la transaction minorée des précédentes fractions initiales de capital (ie la somme de toutes les transactions fiat → crypto moins les montants d’acquisition utilisés dans les précédentes déclarations de transactions)
  • Valeur totale du portefeuille : représente la valeur totale en euro du portefeuille au moment de la transaction
  • Fraction initiale de capital : représente le montant de la vente minorée de la plus-value de la transaction (et sera reportée dans les calculs de plus-value des transactions ultérieures)
  • Portefeuille : ensemble de tous les actifs possédés peu importe les plateformes (CEX, DEX, portefeuilles auto-hébergés tels ledger ou metamask, staking, DeFi…)

 Exemple de calcul

Dans notre exemple ci-dessous, nous imaginons que vous venez de vendre 0,1 BTC pour 8 000 € et vous souhaitez déterminer la plus-value.

Calcul de la valeur totale du portefeuille

À cette étape, on additionne la valeur de toutes les cryptomonnaies détenues à la date de la transaction, en euros. Exemple :
  • Vous possédez 0,5 BTC, 1 ETH, et 100 USDT
  • Si au moment de la cession : 1 BTC = 80 000 €, 1 ETH = 2 000 €, et 1 USDT = 1 €, alors : la valeur totale du portefeuille est de (0,5 × 80 000) + (1 × 2 000) + (1 x 100) = 42 100 €

Calcul du montant total d’acquisition net

Ici, on additionne la valeur en euro de toutes les monnaies fiat (euro, dollar, yen…) utilisées pour investir dans son portefeuille de cryptomonnaies jusqu’à la date de la transaction. Vous aviez acheté par exemple :
  • 0,5 BTC à 10 000 €
  • 1 ETH à 1 425 $ (ou 1 500 € au moment de l’achat)
  • 100 USDT pour 100 €
  • Coût total d'achat : (0,5 x 10 000) + 1 x 1 500 + 100 = 6 600 €

Calcul de la plus-value ou moins-value

Pour terminer, on détermine la plus-value imposable, en soustrayant au montant de cession (8 000 €) sa part dans le coût total d'acquisition du portefeuille d'actifs numériques (calculée en multipliant le montant d'acquisition par le ratio entre le montant de cession et la valeur totale du portefeuille).
La plus-value est alors de 8 000 - 6 600 x 8 000 / 42 100 = 6 745 € et la fraction initiale de capital à utiliser dans les prochaines transactions est de 8 000 - 6 745 = 1 255 €.

Nouvelle transaction

Imaginons maintenant que de nouvelles transactions aient lieux :
  • achat de 0,5 BTC à 20 000€
  • conversion de 0,25 BTC en 2 ETH
  • vente de 0,2 BTC à 15 000€, soit pour un montant total de 3 000 €
Cette nouvelle vente est une transaction à déclarer et il faut donc réitérer le processus ci dessus
  • Calcul de la valeur totale du portefeuille
    • Vous possédiez 0,5 - 0,1 + 0,5 - 0,25 = 0,65 BTC, 1 + 2 = 3 ETH, et 100 USDT
    • Si au moment de la cession : 1 BTC = 15 000 €, 1 ETH = 2 500 €, et 1 USDT = 1 €, alors la nouvelle valeur totale du portefeuille est de (0,65 × 15 000) + (3 × 2 500) + (100 × 1) = 17 350 €
  • Calcul du montant total d’acquisition net
    • Ancien montant total d’acquisition + montant des nouvelles acquisitions - somme des fractions initiales de capital utilisées sur les précédentes transactions
    • 6600 +  (0,5 x 20 000) - 1255 = 15 345 €
  • Calcul de la plus-value ou moins-value
    • 3 000 - 15 345 x 3 000 / 17 350 = 346,685878962… ou 347 €
  • La nouvelle fraction initiale de capitale totale sera de 1 255 + (3 000 - 347) 3 908 €

Déclarer le montant de l’impôt

  • Une ligne doit donc être rentrée par transaction déclenchant l’imposition
  • La plus-value totale déclarée est ainsi la somme des plus ou moins-values de toutes les transactions déclarée
  • Si celle-ci est positive, elle sera imposée à la flat tax (30 %)
  • Si celle-ci est négative, il n’y a aucun report sur l’année suivante
  • Dans notre exemple, devront être déclarés : (6 745 + 347)  × 30 % = 2 128 € d’impôts
Besoin d'assistance ? Comme nous venons de le voir, les déclarations fiscales liées aux cryptomonnaies peuvent vite devenir compliquées. Si vous pensez avoir besoin de vous faire accompagner, nous pouvons vous mettre en relation avec nos partenaires avocats fiscalistes spécialistes dans ce domaine. 👇

Outils pour simplifier vos déclarations fiscales

Il existe aujourd’hui plusieurs outils qui permettent de vous assister dans cette tâche de déclaration. Ces outils permettent généralement de se connecter aux différentes plateformes via leur API, ce qui offre l’avantage d’automatiser la déclaration. Très utiles, notamment si vous avez réalisé un grand volume de transactions.
Ces outils vous permettent notamment de :
  • Centraliser toutes vos transactions, que ce soit sur des plateformes centralisées (ex. Binance, Coinbase...) ou décentralisées ou des wallets non custodial (ex. MetaMask, Ledger...)
  • Calculer vos gains et pertes afin de déterminer les montants imposables
  • Générer les documents nécessaires pour vos déclarations fiscales, comme le formulaire 2086
Parmi ces outils, nous pouvons citer Waltio, Koinly, Blockbit ou encore Binance Tax. Ces outils sont actuellement disponibles pour les résidents fiscaux français.
Ils proposent habituellement plusieurs formules, dont certaines gratuites pour les investisseurs ayant peu de transactions annuelles.
Nous attirons cependant votre attention sur le fait que le traitement automatique de ces données n’est pas infaillible. Par conséquent, il est important de ne pas utiliser des outils comme substitut, mais plutôt comme complément à ses obligations déclaratives. Certains professionnels (avocats fiscalistes, experts-comptables, etc.) proposent également ce type de service.

Conclusion

En conclusion, déclarer ses cryptomonnaies à l’administration fiscale est une démarche incontournable pour tout investisseur, qu’il soit particulier ou professionnel. Bien que cette obligation semble complexe, elle est essentielle pour éviter des sanctions lourdes et rester en conformité avec la législation. Grâce à une compréhension claire des règles fiscales, l’utilisation d’outils adaptés, et une préparation rigoureuse, vous pouvez simplifier vos démarches et vous concentrer sur vos investissements en toute sérénité.
Emeric Fillâtre
Emeric Fillâtre
18/02/2025, 10:32